Document d’information – Les conclusions des tribunaux de la C.-B. dans le dossier CSFC-B, Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique, et al c Colombie-Britannique (Éducation)

Contexte

De 2001 à 2014, les inscriptions dans les écoles du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSF) ont presque doublé, alors que celles dans les écoles des conseils scolaires de langue anglaise de la C.-B. ont baissé considérablement, diminuant jusqu’à 40 % dans certains cas. Malgré ces tendances opposées, le gouvernement provincial n’a approuvé aucun projet d’immobilisation pour le CSF entre 2005 et 2011.

À titre de référence :

  1. En 2001-2002, 2 871 élèves étaient inscrits dans les écoles du CSF.
  2. En 2010-2011, 4 471 élèves y étaient inscrits.
  3. Au moment du procès, en 2014-2015, 5 382 élèves y étaient inscrits.
  4. Aujourd’hui, en 2018-2019, plus de 6 100 élèves sont inscrits dans les écoles du CSF.

En 2010, face au refus persistant de la Province de financer les projets d’immobilisation du CSF, une poursuite est entamée. Celle-ci conteste le système de financement d’immobilisations dans son ensemble et le défaut de la province de financer des projets d’immobilisation dans certaines communautés. En dépit des nombreux gains réalisés devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, plusieurs conclusions ont dû être portées en appel par les demandeurs; la Cour d’appel a toutefois rejeté l’appel.

En 2018, les demandeurs soumettent à la Cour suprême du Canada une demande d’autorisation d’en appeler de la décision de la Cour d’appel. La demande d’autorisation soulève trois questions d’importance nationale qui ont pour but de rectifier des erreurs de droit fondamentales qui, si elles ne sont pas corrigées, entraveront l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte ») et ne permettront pas de mettre réellement en œuvre son objet et ce, au détriment des communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au Canada.

L’article 23 de la Charte en bref

L’article 23 impose aux gouvernements une obligation positive d’offrir une éducation primaire et secondaire dans la langue de la minorité défrayée par les fonds publics, afin de préserver et de promouvoir les communautés de langue officielle en situation minoritaire et de leur permettre de résister aux forces de l’assimilation.

L’article 23 garantit des établissements et un enseignement dans la langue de la minorité là où le nombre le justifie. D’après la Cour suprême du Canada, le niveau de services varie selon ce qui est approprié pour offrir une éducation dans la langue de la minorité aux nombres d’élèves en question. L’article 23 garantit le droit à la gestion et au contrôle de l’instruction, « par et pour » la communauté de langue officielle.

Conclusions marquantes des décisions des tribunaux de la C.-B.

En premier lieu, les tribunaux de la C.-B. ont conclu que de nombreuses atteintes à l’article 23 sont
« justifiées » dans une société démocratique (en vertu de l’article premier de la Charte) parce que ces tribunaux ont jugé l’assimilation inévitable en C.-B., ou parce qu’ils estiment trop élevé le coût des remèdes demandés pour régler les atteintes à l’article 23. Il s’agit d’une erreur fondamentale qui mine l’objet de l’article 23 et

dénature la jurisprudence de la Cour suprême du Canada en ce qui concerne l’article premier. En effet,

  1. en concluant que plusieurs violations de l’article 23 n’étaient, en quelque sorte, « pas si graves que
    cela » puisque l’assimilation est inévitable en C.-B. et en ignorant l’impact de l’assimilation sur les individus (soit la perte de tout rattachement à la communauté linguistique et l’extinction permanente et intergénérationnelle des droits fondés sur l’article 23 des parents et de leurs enfants), les tribunaux de la C.-B. ont pu justifier des atteintes à l’article 23, contrecarrant ainsi le fondement du droit lui-même; et
  2. en considérant la réalisation d’économies financières comme une raison suffisante pour justifier des atteintes à l’article 23 de la Charte, les tribunaux ont pu justifier ces atteintes puisqu’il était jugé raisonnable que le gouvernement affecte ses ressources à d’autres fins. Une telle conclusion est contraire à la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, qui a considéré jusqu’à maintenant que les considérations financières ne justifient généralement pas des atteintes aux droits fondamentaux, outre en cas de crise financière grave. Ces limites imposées par la Cour suprême du Canada sont nécessaires, puisqu’il sera presque toujours plus économique pour un gouvernement de faire fi des droits des minorités et d’affecter ses ressources à d’autres fins.

Il s’agit de la première fois dans l’histoire de la Charte qu’un tribunal utilise l’article premier pour contrecarrer le fondement même d’un droit constitutionnel. L’intervention de la Cour suprême du Canada pourrait permettre d’empêcher des répercussions négatives importantes, tant sur les causes fondées sur l’article 23, que sur celles impliquant d’autres droits protégés par la Charte.

En deuxième lieu, les tribunaux de la C.-B. ont préconisé, pour la première fois, la norme de la
« proportionnalité » en tant que principe directeur de l’article 23, limitant ainsi radicalement l’application de la norme d’équivalence réelle préconisée par la Cour suprême du Canada jusqu’à maintenant. En effet, une telle norme tolère que les enfants fréquentant des écoles visées par l’article 23 reçoivent une éducation de qualité inférieure à celle que reçoivent les enfants fréquentant les écoles de la majorité, et limite l’application de la norme d’équivalence réelle aux seules situations où les écoles desservant la communauté en situation minoritaire sont de taille similaire à celles desservant la majorité.

La Cour suprême du Canada pourra donc trancher la question à savoir si l’égalité réelle deviendra l’exception et non la règle en ce qui concerne l’article 23.

En troisième lieu, les tribunaux de la C.-B. ont conclu que les politiques gouvernementales inconstitutionnelles sont immunisées contre l’octroi d’une compensation financière advenant une violation de la Charte, et ont donc étendu l’immunité que la Cour suprême du Canada accordait uniquement aux violations en vertu de lois inconstitutionnelles. La décision d’octroyer des dommages-intérêts au CSF a donc été infirmée. Cette approche est d’autant plus nuisible en raison du caractère unique de l’article 23 – qui garantit un financement provenant des fonds publics. Face au refus persistant des gouvernements de respecter leurs obligations en vertu de l’article 23, les titulaires de droit ne pourraient donc presque jamais obtenir une réparation convenable et juste, car le financement public est régi par des lois ou des politiques. Une immunité telle celle préconisée par la Cour d’appel inciterait les gouvernements à négliger leurs obligations en vertu de l’article 23.

La Cour d’appel a considérablement restreint la possibilité d’octroyer une compensation financière à des demandeurs qui ont subi une violation d’un droit garanti par la Charte. Les demandeurs demandent à la Cour suprême du Canada d’infirmer cette conclusion.

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